Imaginez un instant… Comme trois quarts de nos concitoyens, vous êtes le protagoniste d’un spectacle surréaliste : parler dans votre sommeil. Ce phénomène, enveloppé d’un voile de mystère, est appelé somniloquie ou vocalisation nocturne. Selon une étude éclairante menée par l'Unité Pathologies du sommeil à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris, 71 % des hommes et 75 % des femmes confient avoir déjà laissé échapper des mots dans l’obscurité de la nuit. Plus troublant encore, un Français sur cent livrerait quotidiennement ses pensées inavouées aux ombres de son sommeil !
« Ne vous laissez pas gagner par l’inquiétude, » affirme d’emblée le Dr Marc Rey, neurologue émérite et Président de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV). « Ce phénomène n’est en rien alarmant et ne compromet pas la qualité du sommeil. Bien qu’il puisse être associé au somnambulisme, il constitue une parasomnie distincte, inoffensive pour le dormeur… mais potentiellement dérangeante pour le partenaire de lit. »
Des âmes plus sensibles à ce sortilège
Nos chers enfants, les personnes souffrant de troubles du comportement en sommeil paradoxal, souvent les aînés, et ceux qui vivent un stress intense, tels des navigateurs en tempête face à des bouleversements personnels, sont particulièrement touchés par ce phénomène. L’ombre des médicaments, de l’alcool ou des drogues peut également engendrer cette vocalisation nocturne.
Que se trame-t-il dans le royaume des rêves ?
Les mots murmurés dans la pénombre sont souvent l’écho des rêves qui dansent derrière nos paupières closes : une réponse à une question lancée au cœur d’un rêve, une réaction à l’angoisse ou à l’euphorie que l’esprit tisse dans son sommeil. « Le dormeur, immergé dans son récit onirique, s’agite, rit, se bat, ou émet même des injures. Le langage est parfois un tourbillon de sons confus, entre mots distincts et onomatopées, chuchotements doux ou cris déchirants, » décrit avec passion le neurologue. Et attention, si dans un couple l’autre semble répondre avec clarté aux questions, le lendemain, tout souvenir de cette danse des mots s’est envolé. « Prenez garde, ces paroles nocturnes ne doivent pas être des arguments dans vos querelles, » ajoute-t-il avec gravité.
► Une somniloquie aux mots indéchiffrables se produit principalement durant le sommeil lent. « Pendant cette phase, l’activité électrique du cerveau décroît, offrant à l'esprit une quiétude où il devient de plus en plus insensible aux bruits et à la lumière extérieure, » explique notre expert des ténèbres nocturnes.
► En revanche, une somniloquie riche en mots et phrases compréhensibles s’épanouit pendant le sommeil paradoxal. « Ici, l’électroencéphalogramme révèle une activité presque éveillée alors que le dormeur est plongé dans le flou des rêves. Ses muscles, paralysés, trahissent l’intensité des rêves les plus riches, les plus élaborés, et c’est là que les mots s'échappent avec le plus de fréquence, » conclut-il, laissant planer un mystère sur les chemins que parcourent nos âmes pendant la nuit.